INTERVIEW D’ANDEEL, CARICATURISTE EGYPTIEN
(Photo souvenir de la joie du grand peuple Egyptien)
Artiste autodidacte et engagé, Andeel croque le quotidien et les maux d’une Egypte en crise. Il dépeint grâce à ses caricatures la vie politique instable du pays. A seulement 27 ans, il cherche ainsi à interpeller une société profondément divisée. Il collabore avec des journaux égyptiens indépendants comme Mada Masr et Egypt Independant, mais il est aussi l’auteur de bandes-dessinés (Tok Tok) et a réalisé des courts métrages (Who knows ?). Rencontre avec ce combattant de la liberté à la plume acerbe.
Comment en êtes-vous arrivé à la caricature?
« J’ai grandi dans une maison d’artistes. Mes parents ont beaucoup soutenu ma passion pour le dessin. J’ai passé une grande partie de mon enfance à regarder des dessins animés ou des BD et à essayer de faire les miens. J’ai fait ma première caricature à propos de mon père parce qu’il ne voulait pas m’emmener au zoo. Il était très tolérant. En fait c’est lui qui m’a expliqué ce qu’était la caricature et comment l’utiliser pour exprimer la manière dont je vois le monde.
J’ai vraiment commencé les caricatures en 2005, à une période assez lointaine de la révolution de Janvier. A un moment, j’ai décidé d’arrêter la caricature parce que je pensais que ce que nous faisions était inutile. J’avais l’impression que nous nous battions contre un océan, parlant aux gens de la tyrannie, de la dictature et de l’injustice, mais rien ne changeait.
Quand le 25 Janvier est arrivé, on a dessiné des caricatures sur des énormes pièces de vinyle et nous les avons amené place Tharir. Les gens ont ajouté leur propres slogans et griffonnaient dessus. D’autres avaient déjà des panneaux et des vêtements avec des dessins dessus. A ce moment, j’ai réalisé combien mes caricatures était plus proches des gens que je ne l’imaginais.»
(Photo de Nadia Mounier)
Selon vous, quel impact peut-avoir une caricature ?
« Je pense que les caricatures, comme beaucoup d’autres choses, sont le reflet de la manière dont le caricaturiste voit le monde, et la société où il vit. On peut en dire beaucoup sur une société en regardant le genre de caricatures qui y sont faites. Les caricatures peuvent ouvrir des discussions, amener les gens à penser d’une façon spécifique, ou suggérer des choses. Les gens réagissent aux images en général. Si vous n’êtes pas prudent vous pouvez finir par insérer des mauvaises conceptions et des déformations dans le subconscient des gens qui regardent vos caricatures. »
« You may attack them in an article, but not in cartoon. »
Avec le retour à un régime militaire, êtes-vous inquiet pour votre liberté d’expression ?
« Je m’inquiète pour la liberté d’expression, et je comprend que le vide laissé par le 25 Janvier trouble beaucoup de gens, et qu’ils ont besoin de changer ça. Je sais aussi que nous avons gagné des libertés que nous ne sacrifierons pas facilement. Une société en révolte est une société en crise profonde. C’est une société où le principe fondamental du vivre ensemble est bafoué, et ou les concepts de gouvernement et d’autorité sont eux mêmes remis en question. Selon moi, ce contexte encourage les gens à se battre pour leur idéal politique et contre la forme classique d’autorité. C’est une éternel discorde entre pouvoir, ordre, responsabilité, menaces et fonctionnement de l’Etat. Je suis quelqu’un qui croit en la liberté et au changement. »
«Dans cette caricature, je souhaitais parler des gens qui ne sont pas conditionné pour supporter les mesures militaires violentes contre les frères musulmans qui ont été prises par Sissi après le 30 juin. Je voulais imager ce que signifique le fait de mandater quelqu’un pour tuer quelqu’un d’autre: vous devez connaitre la taille de votre acte, le visualiser, et être capable de vivre avec. Le gars au café à ses amis : « Ne vous inquiétez pas, il est avec moi.»»
« May our lord punish them » – « May our lord punish them »
Pour un plus grand aperçu du travail d’Andeel, rendez-vous sur: http://www.behance.net/andeel
Julia
(W)ART 